Marie Blanche – Au fil des jours, de Jim Fergus

Il s’agit d’une nouvelle édition de ce livre, que l’auteur a remanié après la découverte de documents concernant sa famille comme il le révèle dans la longue dernière partie. Après la publication de Mille femmes blanches, il a été contacté par Marie-Antoinette, la cousine de sa mère qui a pu l’éclairer sur de nombreux points, de même un généalogiste a rectifié certaines légendes familiales, notamment sur l’ascendance noble de la famille de Fontarce, mais tous ces éléments interviennent dans l’épilogue.

En 1995, Jim Fergus rend visite à sa grand-mère Renée, atteinte de la maladie d’Alzheimer, il ne l’a plus revu depuis plus de vingt-cinq ans. Il essaie de comprendre qui est cette femme froide qui ne l’a jamais aimé, ni sa soeur, mais surtout qui a détruit leur mère Marie Blanche. Il retrace leur histoire familiale hors du commun dans un livre passionnant mais très sombre car ce n’est pas une histoire heureuse.

Renée naît en juillet 1899 dans une famille de petite noblesse campagnarde. Son père est comte, il s’est marié avec Henriette sans amour selon la volonté de leurs parents, il trompe sa femme sans se gêner, sa fille est d’ailleurs celle d’une de ses maîtresses que sa mère adoptive n’aimera jamais. Henriette trompe également son mari avec Gabriel son beau-frère, un riche homme d’affaire. Renée les espionne et devient vite jalouse de sa mère, elle décide de lui voler son amant, ce qu’elle réussira à faire à l’âge de treize ans. S’ensuit une relation incestueuse et très violente, mais le comte et sa famille dépendent financièrement de Gabriel, qui se montre particulièrement tyrannique, violent et possessif, il a un caractère destructeur et ravage sa famille. Renée tombe amoureuse de Pierre de Fleuriau en 1818, mais s’il est comte depuis la guerre de Cent ans, il est pauvre et la famille s’oppose à cette liaison, Renée doit épouser Guy de Bortonne, un petit noble assez fortuné. Ils ne s’aiment pas le moins du monde et ce mariage est un échec complet. Renée s’ennuie et décide de faire deux enfants, mais elle se rend vite compte que la maternité ne lui convient pas. Elle en veut terriblement à Marie Blanche d’être la fille de son père et ne fera que la rabaisser systématiquement. Renée quitte son mari, retrouve Pierre, puis le quitte aussi pour un Américain homosexuel, mais surtout très riche, car c’est ce qui l’intéresse le plus. Marie Blanche se fait balloter par sa mère entre Paris, Londres et Chicago au gré de ses amours. Renée la dénigre systématiquement, et veut gérer sa vie, lui trouver un mari riche comme le sien. Dès son adolescence, la jeune fille sombre dans la dépression et dans l’alcoolisme, elle épouse un joueur de polo en cachette, mais le bonheur ne durera pas. Marie Blanche ne saura pas aimer non plus ses propres enfants.

Dans ce magnifique roman choral, Jim Fergus donne la parole à sa grand-mère et à sa mère, morte alors qu’il avait seize ans. Il essaie de comprendre ce qui a causé tant de souffrances dans sa famille où seules comptaient les apparences et l’avidité. Les parents ont accepté finalement que Renée se fasse violenter par son oncle qui les entretenait, même si elle dit avoir désiré cette situation et que Gabriel est le seul homme qu’elle ait aimé. Il analyse la manière dont le même schéma se reproduit sur trois générations. Lui-même décide de ne pas avoir d’enfants pour ne pas prolonger ce cercle vicieux, il est plein de sagesse et finit par pardonner à Renée tout le mal qu’elle leur a fait, même si leur dialogue se passe seulement dans sa tête. Il a fait preuve de résilience pour arriver à se construire malgré tout ce marasme.

La vie de la haute société est bien décrite, sur près d’un siècle. Renée et sa famille vivent la vie de la petite noblesse et ses mythes. le père trouve déshonorant de travailler et ferme les yeux sur les exigences démesurées de son frère et sa tyrannie. Il imposera aussi un mariage malheureux à la jeune fille pour des raisons d’argent, comme il l’a fait lui-même auparavant. Marie Blanche a son tour ne sera pas une bonne mère. Malgré ce côté sombre et douloureux cette fresque familiale est tout à fait passionnante. Le livre est plein de pudeur et l’auteur cherche avant tout à comprendre sans juger. Un gros coup de coeur pour ce magnifique récit. Merci à Netgalley et aux Editions Cherche Midi pour cette magnifique découverte, qui me donne envie d’explorer plus avant l’oeuvre de de Jim Fergus.

#MarieBlanche #NetGalleyFrance !

3 réflexions sur “Marie Blanche – Au fil des jours, de Jim Fergus

Laisser un commentaire