L’île plastique, de Frédérique Trimouille

J’ai beaucoup aimé ce petit roman très dense et je remercie Netgalley et les Editions Librinova pour ce partenariat très apprécié. L’écriture fluide, le vocabulaire très riche, la poésie de ce texte et l’importance de la nature m’ont immédiatement fait penser à Colette. Je suis étonnée qu’il soit si peu connu et j’espère contribuer modestement à le faire découvrir à d’autres lecteurs.

Ce livre peut se lire à différents niveaux. Le premier nous raconte l’histoire de la famille Besson, en particulier des trois frères qui gèrent successivement l’usine de chaudronnerie familiale créée bien longtemps auparavant par leur grand père Hyppolyte. On les suit des années 1960 à 2040. Pierre l’ainé a été élevé pour reprendre l’usine et la vielle maison de la famille, toutefois son destin bascule en 1962. Il rentre traumatisé de la guerre de Mamlouk, sa conception du monde en est bouleversée et il finit par se jeter du haut d’une falaise. Jean, plus jeune d’une année, reprend sa place, y compris dans le lit de Lydia, la fiancée de Pierre. Ils se marient et ont trois enfants, dont Sylvestre le cadet qui jouera un rôle important dans l’histoire. La famille n’est pas heureuse, le tourisme de masse envahit l’Ile aux mousses, l’industrie métallurgique décline dangereusement et Jean sombre dans la dépression, jusqu’au drame.

L’Ile aux Mousses, vous connaissez ? Et la guerre de Mamlouk ? Non bien sûr. On peut voir dans cette « sale guerre qui ne dit pas son nom » et qui a eu lieu dans les années 1950-60, la guerre d’Algérie. D’ailleurs il y a une forte immigration mamloukéenne sur l’île ce qui entraîne du racisme lorsque l’économie est en crise et aboutira au drame. L’Ile aux Mousses c’est évidemment notre civilisation qui part à la dérive, notre société passée de l’artisanat à l’industrie lourde, puis au déclin actuelle de cette dernière. Le tourisme de masse détruit l’ile peu à peu, seul compte le profit immédiat. Les forces politiques sont le reflet de ce qui se passe en France et ailleurs en Europe, avec des Bleus de différentes nuances qui gouvernent, le racisme et la violence ordinaire s’y développent à mesure que l’économie capote, l’immigré devient le bouc-émissaire de notre malaise. Si l’on pouvait douter du caractère de fable symbolique de ce texte, les prénoms des personnages nous prouvent qu’on est en pleine mythologie, il y a Hyppolyte, Tyché, Lotus, Mariam, Mol(o)ch, Adon(is) et Noé, ce qui donne une portée universelle à ce conte moderne. Hypomée n’est pas une déesse grecque malgré son nom, mais une belle fleur bleue, quant à Sylvestre, il incarne parfaitement son rôle de génie de la nature, il désire protéger la forêt et la mer.

L’île est aussi personnifiée et parle de ses « lilliputiens » avec le recul nécessaire. Le mot plastique du titre est également à double sens, il désigne à la fois la matière qui étouffe la nature et sa faculté de résilience. Comme les Besson se relèveront après le drame, l’ile saura s’adapter et ne pas se réduire à une décharge à ciel ouvert.

Une très belle lecture que je vous recommande chaleureusement.

#LîlePlastique #NetGalleyFrance

ile plastique

2 réflexions sur “L’île plastique, de Frédérique Trimouille

  1. Un très gentil commentaire reçu sur Babélio : MarcelineBodier Mais quelle captivante chronique ! Je suis ravie que ce roman soit lu et commenté. J’apprécie encore plus que votre lecture soit aussi enthousiaste et pourtant différente de la mienne. Oui en effet il y a une lecture politique qui est possible, un aspect utopique qui ressemble terriblement à notre monde dans ce qu’il a de plus angoissant… un roman tout autant pour amateurs d’individuel, de familial et de sociétal, disons. Merci beaucoup pour le partage !

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