Le jour et l’heure, de Francis Parel

Quel plaisir de découvrir un nouvel auteur de polars romand, décidément on ne manque pas d’idées dans notre petit pays et c’est une joie de le parcourir à travers les romans édités par Slatkine. Cette fois nous allons visiter les sous sols de Genève, car il y a sept kilomètres de galeries sous la vieille ville, ce que je viens d’apprendre (je connais très peu cette ville).

Une équipe d’archéologues fouille le sous sol de la cathédrale, qui contient de nombreuses cryptes enfouies. Ils viennent d’en découvrir une dans laquelle se trouvent trois corps, s’il s’agissait d’ecclésiastiques ou de bâtisseurs oubliés depuis le onzième siècle, il n’y aurait pas de quoi fouetter un chat, mais ces cadavres sont en partie momifiés,et surtout ligotés avec du ruban adhésif, ils portent une Swatch, si ces objets avaient été inventés au moyen âge, ce serait le scoop de l’année ! La brigade criminelle constate que les montres indiquent le six d’on ne sait quel mois ou année à cinq heure dix. Le pire c’est que ces hommes ont été emmurés vivants, ça ne peut qu’être une terrible vengeance. Le commissaire se souvient alors d’une jeune fille assassinée un six juin à cinq heure dix, il ne lui reste qu’à remonter la piste du justicier dont il devine facilement l’identité.

Le suspense ne porte pas sur l’identité de l’assassin, ni sur celle des « victimes », car on assiste à l’action dans ses moindres détails. Le mystère consiste à savoir si le commissaire arrivera à confondre l’auteur de cette horreur, qui avait de bonnes raisons d’agir ainsi. L’écriture est fluide et très agréable, même si certains dialogues sont un peu artificiels. Les policiers se parlent en utilisant leurs grades et leurs noms de famille, ce qui paraît quand même peu réaliste. Certains dialogues servent à expliquer le fonctionnement de la police et de la justice suisses et s’adressent plutôt aux autres lecteurs francophones, mais ce n’est pas gênant, on ne peut que se réjouir que nos auteurs romands aient un public en dehors de nos frontières.

Il y a du suspense, on se demande si François va réussir à réaliser son plan très minutieux, et comment il arrive à le mettre en place tout en se lançant dans une histoire d’amour. Le mélange romance et polar n’est pas dérangeant. Il y a toute une réflexion intéressante sur ce qu’il faut communiquer ou non à la famille et à la presse. Le fait de révéler les aspects les plus sordides de l’affaire au jeune homme ne l’a t’il pas pousser à la vengeance ? A t’on le droit de mentir, au moins par omission pour ménager les parents ? La police préfère aussi garder le mystère sur la découverte des archéologues et classer l’affaire pour ne pas susciter de vocations de justicier.

Tous les personnages sont très humains, pour le meilleur ou pour le pire. Le profiler est très intéressant, il sait poser les bonnes questions et comprendre les ressorts de l’affaire, il le fait sans haine et n’agresse pas François verbalement même s’il a compris les tenants et aboutissants de l’histoire. Le souci de l’autre tend l’action de ces policiers humanistes.

Le grand thème du roman est celui de la justice. Les peines officielles peuvent paraître bien légères aux familles des victimes de crimes sordides, comment punir ces malfaiteurs de manière efficaces, les empêcher de nuire à nouveau. Notre société ne saurait accepter une vendetta à la corse, qui peut être sans fin. Les policiers soulignent à plusieurs reprises qu’il n’y a pas de crimes justes ou justifiés et François doit s’attendre à payer ses actes si une fois ils arrivent à trouver des preuves de son crime parfait. Lui-même ne fait pas confiance aux autorités et visiblement, ses actes ne l’empêchent pas de mener une vie d’honorable professeur, même s’il préfère que sa famille les ignore. Ces interrogations sur le crime et sa nature sont vraiment intéressantes.

J’ai beaucoup aimé ce polar, un grand merci à Delphine des Editions Slatkine.

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