Les tueurs de la République, de Vincent Nouzille

J’ai trouvé cette longue enquête, lue par François Berland, vraiment passionnante. On parcourt toute l’histoire secrète de la cinquième République à travers le prisme particulier des services secrets et même très secrets. Et cette réalité est bien plus intéressante que le plus palpitant des polars. La voix du lecteur est parfaite, il ne manque que les images. Il y a plus de quinze heure d’écoute, mais on ne s’y ennuie pas le moins du monde. Ce livre offre un éclairage sur de nombreuses affaires qui ont plus ou moins défrayé la chronique ces soixante dernières années.

Cet ouvrage ne manquera pas de nourrir aussi les thèses complotistes, car il est clair que des services agissent dans l’illégalité la plus totale avec la bénédiction des plus hautes autorités et il ne semble pas y avoir la moindre limite. J’avais déjà entendu parler de ces pratiques dans certains livres de Jean François Deniau, même s’il ne le dit pas aussi clairement, ou dans La politique du tumulte de François Médéline. Ici il s’agit d’une enquête très fouillée, avec de nombreux témoignages et références couvrant la période qui va de la guerre d’Algérie à nos jours.

On sait que cette guerre a donné lieu à de nombreuses atrocités durant lesquelles aucune des deux parties ne s’est illustrée par son respect des droits de l’homme. Les présidents n’ont pas hésité à faire couler le sang pour mettre en avant les intérêts de la France, en traquant les indépendantistes d’abord, puis en voulant modeler l’Afrique à leurs goûts. Les pays qui voulaient s’émanciper de la tutelle française, ou pire encore être sous l’influence de Moscou ou de la Havane, voyaient des troupes diverses de mercenaires ou de barbouzes fomenter des coups d’Etat pour renverser ces gouvernements forcément criminels. Le respect des droits de l’homme n’était pas un critère, car la France n’hésitait pas à soutenir des dictateurs corrompus pour autant que ça lui soit favorable. Bob Denard et Hissène Habré ont été les vedettes de ces temps troublés et n’agissaient pas dans l’ombre.

Les relations avec l’Algérie, même après la guerre ont toujours été compliquées et passionnelles. Après la guerre froide vient le temps de la montée de l’islamisme, qui entraînera de nombreux conflits entre les deux pays. Actuellement c’est la principale raison de l’emploi des services secrets. Les groupes terroristes pullulent dans la région du Sahel, préparant des attentats et fiançant leurs activités en enlevant des Occidentaux contre rançon. Il y a une concurrence entre les diverses obédiences islamistes, ce qui multiplie les problèmes. Comme si ça ne suffisait pas, de nombreux Français sont partis faire le jihad en Syrie, Afghanistan ou ailleurs. Durant longtemps, seuls des ressortissants étrangers pouvaient être la cible des services spéciaux français, mais avec ces djihadistes, le tabou est tombé et on n’hésite plus à les tuer également.

Tous les présidents ont recours à ces services, de manière plus ou moins claires. Certains donnent des ordres très nets et féroces comme Giscard ou Hollande, d’autres restent dans le non-dit et évitent autant que possible ce type d’action comme Mitterrand ou Chirac. Le motif peut être d’empêcher un attentat, ou de le venger. Avec le temps, les services reculent de moins en moins face aux dégâts collatéraux, y compris en tuant des enfants qui accompagneraient leur père. Ces actions posent clairement des questions éthiques, même si on peut comprendre qu’on traque des auteurs d’attentats.

Cette enquête est vraiment très fouillées avec des témoignages de tueurs entre autres. De nombreuses personnes et organisations sont cités, il faut donc avoir une certaine connaissance de l’histoire contemporaine pour ne pas s’y perdre. On ne parle jamais de crimes contre des opposants, mais j’avoue me demander si certaines affaires politiques non résolues comme l’affaire Boulin, ne portent pas aussi la marque de crime d’Etat ou de barbouzeries diverses. J’ai trouvé ce livre absolument passionnant, même si je pense qu’il ne soulève qu’un coin du voile. Je me demande si des petits pays comme le nôtre ont aussi recours à de tels procédés.

Un grand merci à Netgalley et Audiolib pour cette enquête qui ne peut qu’intéresser les férus d’histoire contemporaine.

#LesTueursdelaRépublique #NetGalleyFrance !

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