Alegria, d’Alex Mauri

Avec ce titre en espagnol, qui signifie « joie », l’auteur annonce directement la couleur. Il s’agit d’un roman court (deux cent pages) et percutant sur un thème cher à l’Espagne, à savoir la corrida. Il nous raconte l’histoire de Bruno, un Français d’origine espagnole qui vit à Nîmes. Son existence est une suite d’échecs, il a perdu son travail de cadre à la suite d’un burn-out, sa femme l’a quitté et il galère pour faire valoir le droit de garde de son fils de huit ans. Karine, son ex-femme, est tout le contraire de lui, elle réussit bien sa vie, ses parents ont une très bonne situation et elle essaie de protéger l’enfant du côté « looser » de son père. Un de leur grand sujet de dispute est la corrida, le loisir préféré de Bruno qui veut y initier son fils, lequel aime beaucoup aller aux arènes avec son père. La première partie du livre est un peu longue, l’auteur pose le décor et on voit Bruno y évoluer, jusque là c’est un personnage aigri et peu intéressant. Un samedi après-midi, il va aux arènes assister à une corrida avec ses amis, par chance, ce n’est pas sa semaine de garde, car à partir de ce moment-là sa petite vie va se transformer en cauchemar absolu.

Je n’en dirai pas plus pour ne pas dévoiler l’intrigue, le roman étant assez court et plutôt linéaire. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre, j’aime beaucoup les romans des éditions Livr’s, spécialisés dans la littérature de l’imaginaire et je ne suis jamais déçue. Même si le début de l’histoire est un peu lent, je savais que l’intrigue allait basculer dans le fantastique, ce qui se produit effectivement à la moitié du livre. A ce moment on passe à la vitesse supérieure et la vie de Bruno devient vraiment très intense. Il s’agit moins d’un livre fantastique que d’un roman engagé qui dénonce la corrida comme un acte de barbarie envers les animaux, opinion que je partage tout à fait.

Je n’ai aucune parenté ou affinité particulière avec la culture espagnole, donc je partage sans réserve la conception de l’auteur sur cette tradition. J’ignorais totalement qu’elle se pratiquait aussi en France. On oppose l’argument qu’il s’agit d’une pratique traditionnelle qui existe depuis des siècles, argument qui n’est pas valable à mes yeux, sans quoi nous habiterions toujours dans des grottes. Au fil des siècles, l’homme s’est humanisé et peu à peu éloigné de ses instincts animaux, même s’ils n’attendent que l’occasion propice de remonter à la surface. Par nature l’être humain est violent et cruel, c’est un prédateur sans pitié. Peu à peu le progrès et la culture nous ont plus ou moins civilisés, même si la violence est toujours tapie en nous. On peut penser que la lutte contre la souffrance animale est une lubie de notre société occidentale, ou y voir un chemin vers plus d’humanité. Quand on regarde en arrière, on voit que des comportements autrefois admis et considérés comme tout à fait normaux relèvent de nos jours de la pure barbarie. Heureusement aujourd’hui on n’exécute plus les criminels sur la place publique, ni on ne brûle les hérétiques sur le bûcher, de plusa notion d’hérésie n’a heureusement plus en cours. On peut en dire de même pour de nombreux sujets comme l’esclavage, le génocide etc. Certes il y a encore de nombreux combats à mener, notamment pour les droits des femmes et des enfants. Je pense que le respect des animaux va aussi dans ce sens et que l’on doit combattre tout ce qui stimule nos plus bas instincts. La corrida est une de ces choses même si c’est loin d’être la seule. Je ne suis pas naïve non plus et je suis consciente que notre société est violente en soi, je ne nie pas la violence systémique que notre idéologie néolibérale fait peser sur les plus défavorisés, mais cela ne justifie pas qu’on cultive des traditions barbares d’un autre temps.

J’ai beaucoup aimé ce roman de combat et je le recommande chaleureusement, même si c’est une lecture très dure par moment, notamment dans les descriptions des souffrances infligées aux taureaux, devenus des « chairs à divertissement » comme le dit l’auteur.

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