Un père idéal, de Paul Cleave

J’avais beaucoup aimé Un employé modèle, paru il y a quelques années, et ce nouveau voyage à Christchurch, en Nouvelle-Zélande ne m’a pas déçue non plus.

Edward Hunter est comptable, tout comme sa femme Jodie, ils ont une petite fille de six ans, Sam. Ils mènent une vie banale et heureuse, on est  à quelques jours de Noël et le vendredi avant les vacances ils ont rendez-vous à la banque pour demander un crédit pour leur nouvelle maison. Edward traîne toutefois une casserole, son père est un tueur en série qui a sévi durant vingt-cinq ans, il s’en prenait à des prostituées et a été arrêté vingt ans plus tôt alors que son fils avait neuf ans, depuis ils ne se sont jamais revus. Lors de son procès, il a dit qu’une voix l’obligeait à tuer, mais personne ne l’a cru et il a été condamné à perpétuité. Un an après, c’est la mère d’Edward qui s’est suicidée, ensuite de quoi sa soeur Belinda s’est droguée et prostituée avant de mourir d’une overdose à dix-neuf ans. Edward tient son père pour responsable de tous ses malheurs et lui voue une haine féroce. Beaucoup de gens, dont le psy qui l’a suivi dans son enfance, pensent qu’il est semblable à son père, ce qu’Edward réfute totalement, il pense n’avoir absolument rien en commun avec lui. Ce jour-là, alors qu’ils attendent leur rendez-vous à la banque, six braqueurs surgissent, ils prennent Jodie en otage et l’abattent lors de leur fuite. Edward veut se venger, il écoute désormais la voix du monstre qui guide ses pas dans une équipée sanglante au travers de la ville avec l’aide plus ou moins volontaire de son père et d’un policier compatissant.

Ce polar est vraiment excellent, la littérature océanienne est plutôt rare sous nos cieux, donc apprécions-le pleinement. Il est très bien écrit, l’intrigue est très bien ficelée, il y a de nombreux rebondissements et aucune place pour l’ennui. Les personnages principaux sont très travaillés et tout en nuance, que ce soit Edward ou l’inspecteur Schroeder, on est loin de tout manichéisme, ce qui donne sa force aux héros. Edward est sûr de n’avoir rien en commun avec son père, mais celui-ci saura le faire douter. Même si le jury ne l’a pas cru, il est bien atteint de schizophrénie et a détecté très tôt la même maladie chez son rejeton, le psychiatre le sait aussi et met la police en garde sur le fait que l’assassinat de Jodie pourrait bien rendre son mari capable du pire. Edward est partagé entre lutter contre son « monstre » ou lui laisser la bride sur le cou. Il l’a laissé parler une fois à l’âge de neuf ans et a lui-même déclenché involontairement la catastrophe dont il est victime, ce que lui révèlera son père. La thématique de l’inné et de l’acquis est au coeur du roman, ainsi que celle du libre arbitre, Edward est-il le digne fils de son père ? Est-il appelé à suivre le même destin ou a-t’il le choix ? La responsabilité pénale des malades mentaux est aussi évoquée et on peut se demander si Jack a vraiment sa place en prison, il est certes un assassin mais il est aussi victime. L’enfer c’est les autres, disait Sartre et on peut se demander si les « autres » n’ont pas justement condamné Edward d’avance à suivre la voie tracée par son père, puisqu’ils ne semblent rien attendre d’autre de sa part. Jodie et Sam ouvraient un autre destin et une vie heureuse, leur mort fera ressortir le pire. Schroeder essaie de l’aider et de le stopper à temps, mais comme il n’arrive pas à retrouver les braqueurs, Edward s’en charge. Tous les signaux se mettent au rouge pour lui. Le policier sait qu’il est coupable mais pas responsable et essaie de l’aider jusqu’au bout en prenant tous les risques.

Un autre thème est la violence sous-jacente de la société qui broie Edward et ronge la ville, personnifiée par un virus social qui la détruit peu à peu, jetant les habitants des quartier périphériques dans la misère et la violence et progressant insidieusement de quartier en quartier.

Un coup de coeur pour moi, tout comme le précédent livre de Paul Cleave.

Un père idéal

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